Je ne suis pas un décorateur, je ne suis pas un «plasticien», je n’use pas de mes connaissances plastiques pour faire acte de démonstration, ni pour exécuter une idée.
Je suis peintre.
Peintre en quête de réel.
Mais quel réel ? Celui d’un monde éprouvé sur le mode de ses oppositions cardinales, de ses orients, mais qui se produit dans l’écart, la tension, et l’enlacement qui lui sont propres.
Cette polarité s’origine dans le mouvement d’une peinture qui inscrit, plus qu’elle ne décrit. Elle s’affirme encore dans la nécessité de la frontalité du signe comme de la profondeur dans laquelle il se donne, du fond par lequel il se révèle.
Cette écriture, comme structure architectonique, comme aussi force du lieu s’est imposée dès le commencement, et dans sa mise à jour continue à être interprètée. Elle émerge d’un reflux de la couleur comme elle s’efface dans le flux qui l’emporte dans son fond.

Cette polarité impose ce rythme et cet équilibre, toujours précaire, s’établit dans une dialectique à partir de laquelle s’ouvre l’entre-deux d’un espace qui l’accueille. La peinture en est le seuil et le franchissement.
Les périodes qui se sont succédées restent une mémoire vive et active et elles participent d’un cycle ininterrompu dans lequel elles se décantent et se réinterrogent.
Peindre est pour moi une forme de témoignage qui tente de restituer ce rapport au monde animé de la nécessité irréductible d’avancer.

Etre sur ce chemin avec attention et patience.
Etre sur un chemin qui ne soit que peinture.

Décembre 2012

JCT

 

Ce qui est donné à voir ici n'est pas le seul déroulement d'une démarche artistique, c'est aussi le chemin de conversion du regard. Ce retournement, comme contre-culture de l'objet, passe par la marche en avant du sujet.

Une pensée créatrice qui déploie sa durée et fait oeuvre comme autant de jalons sur un chemin de liberté vers l'imprévisible.
Cette peinture-écriture est une parole de chair, c'est à dire une parole muette, une parole de clarté taillée dans la ténèbre, une parole de visible, de signes prononcés à l'insu et à l'issue d'une invisibilité première. Ces peintures ne sont que l'épiphanie d'une absence.
Cette parole de chair s'énonce comme une ligne de faille, parce que cette parole commence là même où le mot faillit, mais elle s'avance aussi comme une ligne de crête qui fracture l'ouvert.
Elle sait qu'elle met en faillite le puritanisme du concept, son opacité close, sa confortable fermeture, parce qu'elle ne détient que ce qui la déborde dans la transparence et ne se gagne qu'à se perdre dans le silence qui la contient.
Cette peinture est une expérience métaphysique qui se moque de la Métaphysique. Elle n'a d'objet que le sujet dont elle émane et qui l'inspire, elle n'a d'objet que le sujet qui l'excède. Cette peinture, ne cherche pas au-devant de soi l'originalité, mais quête en son au-dedans un originaire qui l'appelle.
Elle est l'humus sur lequel le doigt trace la ligne, parce qu'il vaut mieux parfois baisser les yeux. Elle est le ciel par lequel elle respire parce que la nourriture vient toujours d'un ailleurs.

Amateurs de provocation bien pensante, passez votre chemin ! Si la parole est vocation, celle-ci n'est profanatrice que de l'objet d'art lui-même, auquel elle ne rend aucun culte.
Peindre contre la tyrannie de l'objet, c'est reposer la question ajournée, esquivée du sujet.
Peindre, c'est tenter de faire venir à vie la tendresse libre du sujet.

Aucune chronologie ou presque, les oeuvres ne sont pas datées. Elles ne revendiquent aucune contemporanéité et n'attendent rien de ce label. Elles sont dans l'intempestivité de leur geste, dans le présent comme simple « étant donné ». Et Marcel D. serait à relire à l'aune du trou qu'il pratiqua dans une porte... Parce qu'on peint parfois comme on pousse une porte, et cette peinture comme l'écran, comme l'autre versant de l'absence, manifeste à contre-jour que seule la présence demeure.

Janvier 2010

JCT